Lettera di Ernest Bloch a Christa Lucchini-Walther del 14 novembre 1953

14 novembre 1953
Tipologia
lettera privata
Autore
Ernest Bloch
Consistenza rilevata
Tipologia:
foglio/fogli sciolti
Quantità:
1
Modalità di scrittura
manoscritta
Supporto
cartaceo
Contenuto
Agate Beach, Oregon
Le 14 Novembre 1953
Chère Madame :
Vous terminez votre belle lettre du 1er Mars en me disant : « ... et ne nous oubliez pas ! » Je ne vous ai point oubliée, malgré cette trop courte rencontre, et vous ne saurez croire combien de fois j’ai relu votre lettre, si chaleureuse et compréhensive... Elle est restée sur mon bureau, séparée de l’amas de correspondance qui m’assaille, afin que je l’ai « sous la main », chaque fois que je désespère...
Après Milan, Genève et quelques jours trop remplis à Paris, mes forces ont cédé... deux jours avant de m’embarquer – au début d’Avril – une très mauvaise « grippe », avec des complications pulmonaires, a eu raison de moi – Traversée atroce, au lit, avec docteur, infirmier et drogues violentes... J’ai du éradiquer un concert et – encore ! – des réceptions, à Chicago, et retourner au plus vite en ma retraite d’Oregon – 
Mais ni la solitude, ni le calme, ni le « raisonnement » n’ont pu me rétablir. Des gens bien intentionnés m’envoyaient des critiques hostiles parues dans les journaux américains, sur Macbeth, de correspondants – juifs ! – de Rome, travestissant tout et parlant de la réception de l’oeuvre comme d’un échec –Cela aussi, bien que j’y sois accoutumé (!) a ajouté à la terrible dépression physique et mentale qui m’a paralysé pendant plusieurs mois... Impossible de travailler. La « débâcle » complète. Et la tragédie de falloir me réadapter à ma vie d’exilé... Alors je relisais votre lettre et, à travers le temps et la distance, cette spontanéité dans la compréhension me réchauffait le coeur...
Et bien des fois je voulais vous écrire... « ... ne nous oubliez pas... ».
Enfin, finalement, j’ai pu, une fois encore, rétablir un équilibre « possible » et me recréer une vie isolée de tout, dans ce monde intime de la Musique... et je me suis plongé dans le travail. Je viens d’achever un nouveau Quatuor à Cordes. – (No 4) – et alors, il s’agit de répondre à une cinquantaine de lettres arriérées... avant de recommencer une autre oeuvre –
On a joué, à Londres, BBC, en Avril et Juin, mes deux oeuvres symphoniques de 1952, un Concerto Grosso (No II) une Sinfonia breve. La première vient de passer à Boston – et va être jouée ailleurs, N. York, Providence, Newark, etc. La Sinfonia aura sa première américaine à Cleveland, fin Novembre –
On m’écrit que Macbeth – que je croyais enterré une fois de plus ! – Va passer en décembre à... Trieste (!) Cette oeuvre a eu un sort tragique ! Et je me demande si, vu les circonstances politiques, cela tient toujours – C’est G. Pederzini [1], je pense, qui a agi, car elle est une fidèle et m’a écrit des lettres bien touchantes –
Je vis, ici, en dehors de tout... Je ne reçois pas les journaux « musicaux », les autres, hélas, me suffisent pour voir et déplorer – vainement – la débâcle du monde...
Je travaille, en mon studio solitaire... j’arpente la plage farouche en cette saison... je communie avec l’Océan et les rafales, plus qu’avec les hommes... je relis surtout, et les oeuvres musicales du passé et les écrivains qui semblent « vieux-jeu » à cette génération... Ibsen, Tolstoj, Dostoevsky, et autres... et je sens bien, toujours davantage que je n’appartiens guère à « notre temps... » Mais je suis arrivé à l’âge où, plus que jamais, « one does not belong »...
Voilà une lettre bien inadéquate... Mais il fallait enfin que je vous fasse « signe » – et je serais profondément heureux si vous vouliez bien réciproquer –
Voulez vous me rappeler au bon souvenir des amis suisses – que j’ai retrouvés, au fond... à Rome...
Et croyez, je vous prie, à mes sentiments affectueux
Ernest Bloch

[1] Gianna Pederzini (1900-1988), mezzo soprano italiana.
Consultabilità
Consultazione libera, secondo regolamento interno ASL
Responsabilità
Data compilazione:
1 Maggio - 31 Agosto 2012
Azione:
creazione
Compilatore:
Damiano Robbiani

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